Du jamais vu !
Vendredi 6 avril 2018, aussitôt dépassés les derniers villages en amont de Bourg-Saint-Maurice, le paysage devient grandiose par la conjonction de la lumière du soleil levant sur les sommets, le bleu intense du ciel purgé des orages de la veille et par contraste le fond de vallée encore dans la pénombre. C’est à peine si on reconnaît la vallée encaissée du Torrent des Glaciers tant les nombreuses coulées d’avalanches obstruent la route, que l’on peine à deviner de temps à autre … les agents de la DIR 73 vont s’amuser pour dégager l’accès aux Chapieux et à la Vallée des Glaciers ! Plus on s’élève et plus le manteau épaissit, les chalets en ruine de La Raja dépassent tout juste, les nombreuses combes qui strient la falaise et l’alpage ont réduit de taille, leurs contours sont adoucis, leurs fonds plus proches ; sous l’effet des congères les bosses et les rochers épars ont disparu, engloutis ! Même Tristan (le Gardien du Bonhomme), qui pour la première fois a renoncé à monter à ski, vue la dangerosité des conditions de neige et connaît cette montagne comme sa poche, écarquille les yeux…
Seulement 8 mn après le décollage l’hélico nous dépose devant le refuge comme échoué sur une immense plage d’un blanc étincelant…L’épaisseur de neige est impressionnante (5,50 m au jugé). S’enfonçant à mi-cuisse on fait d’abord le tour du bâtiment, émergeant tout juste en façades nord et est, pour déceler d’éventuels dégâts sur les parties visibles, puis, rassurés, on pénètre dans le refuge directement par la porte de secours du 1er étage, sans avoir besoin de l’escalier en colimaçon qui a disparu sous la neige.
Nous sommes cinq en comptant l’équipe de maîtrise d’œuvre, qui avait besoin de visiter les lieux pour mettre au point le programme de travaux de réfection des douches prévue cet été. Priorité est donc donnée à ces techniciens pour faciliter leur visite, répondre à leurs questions et travailler sur plans dans la salle à manger, tempérée à une dizaine de degrés grâce au plancher chauffant alimenté par les panneaux solaires. Inspection générale ensuite : pas de désordres apparents sinon le téléphone aux abonnés absents, mais la neige s’est insidieusement infiltrée un peu partout et jusque dans le local des batteries solaires et surtout dans les combles recouvertes d’une bonne cinquantaine de cm de neige croutée par endroit. Pas de casse de matériel non plus dans le refuge d’hiver, qui apparemment a été peu fréquenté (cf. la météo et le risque élevé d’avalanches), comme en attestent le stock de bûches et la maigre recette (67 € !) du tronc réservé à la collecte des nuitées des randonneurs.
Après un casse-croute au soleil bien mérité, on se remet au boulot sans tarder. Il faut dégager le velux du toit de la cage d’escalier pour éviter des infiltrations comme l’an passé, qui avaient provoqué l’effondrement du plafond et il faut évacuer la neige pénétrée à l’intérieur, surtout dans les combles pour échapper à un dégât généralisé des eaux de fonte. Le travail à la chaîne s’organise, debout sur le toit puis à quatre pattes dans les combles. Le temps passe trop vite, on n’aura pas fini à l’heure prévue, je retarde d’une heure l’hélico qui doit revenir nous chercher.
Finalement en s’y mettant tous on termine in-extremis à 17h30. Tristan a juste le temps de boucler les portes du refuge et de nous rejoindre sur la DZ, on entend déjà l’hélico remonter la vallée dans notre direction…